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Les Héroïques

Extrait 

Comme la lumière du ciel était belle ! Un axe parfait pour ce soleil de juillet qui déclinait en fin d’après-midi. Une lumière rose et blanche transperçait les feuilles des grands arbres du cimetière, des oliviers, des cyprès et des arbres de Judée. Moi Cécile, sa petite-fille, j’étais là.

Ils avaient tous soufflé et sué derrière le corbillard qui montait vers la colline où ma grand-mère, Beth, allait être mise en terre. On entendait vaguement les moutons bêler dans le champ voisin, car ils n’étaient pas encore partis pour la transhumance annuelle. Le petit cimetière du village était perché au-dessus de la mer dont on pouvait, de loin, deviner l’humeur. Tout était calme, à part ces quelques chevrotements.

Ils marchaient tous en silence, pas un bruit alentour, si ce n’étaient les quelques reniflements de la cousine Josette qui décidément ne s’y attendait pas. Chaque fois que quelqu’un s’approchait d’elle, elle répétait dans son mouchoir : « Je ne m’y attendais tellement pas ! » Personne ne s’y attendait à vrai dire. La grand-mère n’était pas malade, juste usée à la mesure de ses soixante-dix ans. Josette, qui lui avait monté ses légumes du jardin comme chaque mercredi, l’avait trouvée dans son transat, sous son mûrier, sa capeline de paille sur la tête. À ses pieds Brutus, son petit chien, dormait dans l’herbe, et sur la table basse à côté d’elle étaient posés son verre et sa carafe de citronnade.

Josette était passée par la porte de la cuisine sans prêter une attention particulière à ce décor habituel chez sa cousine Beth. Elles se connaissaient depuis l’enfance, puisque cousines germaines, mais surtout elles n’avaient jamais habité loin l’une de l’autre ce qui leur permit d’être, malgré leurs caractères si opposés, de vraies amies pouvant compter l’une sur l’autre. À la mort de mon grand-père, Josette avait même proposé à Beth de venir habiter chez elle et son mari.

— Maintenant que je suis enfin tranquille, tu ne crois quand même pas que je vais supporter tes pleurnicheries à longueur de journée !, avait-elle répondu en la serrant dans ses bras.

Josette était réputée pour se plaindre longuement sur à peu près tout, du temps qui n’était jamais le bon, « Il pleut et mes géraniums vont attraper la maladie » à « Il fait beaucoup trop chaud on va manquer d’eau cet été ». Parfois de vraies raisons lui faisaient l’œil larmoyant, comme la perte de son fils dans un accident de Mobylette à l’âge de seize ans, mais de ça, elle ne parlait que très rarement.

Elle avait posé les tomates et les poivrons sur la table, rangé les yaourts au frais et mis le pain dans la panière. Par la fenêtre elle regarda Beth, qui n’avait pas bronché, et se servit un verre d’eau.

— Bon sang, je déteste l’été !

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